jeudi, avril 19, 2007

Un peu de retenue S.V.P.

Un peu de retenue S.V.P.
Pascale Brillon
L'auteure est psychologue spécialisée en stress post-traumatique attachée à la Clinique des troubles anxieux de l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal. L'auteure est docteure en psychologie et auteure des livres «Se relever d'un traumatisme» et «Comment aider les victimes souffrant de stress post-traumatique».

Une autre fusillade a eu lieu dans un milieu d'enseignement. Un autre massacre qui a fauché des vies précieuses. Depuis quelques jours, nous sommes submergés des photos de l'horreur. Mais surtout, on a publié de nombreux articles abordant les mobiles, le profil, la vie et les armes du tueur. De multiples émissions portant sur sa façon d'opérer, le trajet qu'il a emprunté, sa manière de tuer les victimes ont même été diffusées. Mais nous sommes-nous seulement questionnés sur l'impact de cette place médiatique et de ces informations sur les personnes fragiles de notre société?

Ce battage médiatique rend le tueur «intéressant». Il est à la Une. On se demande QUI il était, on se préoccupe de ses peurs, de ses rejets, de ses peines, on lui accorde (maintenant) une place immense. On tente de le comprendre. On parle de lui. Avec horreur, presque avec fascination. Il a peut-être vécu une vie minable mais il sera mort dans l'apothéose. Il a peut-être grandi entouré d'indifférence, mais tous les yeux et les médias du monde sont maintenant tournés vers ce qu'il a accompli et vers ses dernières lettres, volontés ou récriminations.

La place médiatique que nous accordons au tueur répond à notre curiosité morbide, à notre quête de sens et à notre besoin de comprendre l'événement. En misant sur cette peur que nous possédons tous, elle fait vendre. Or, pour certains êtres fragiles de notre société, pour certaines personnes en mal de reconnaissance, cette mort violente et médiatisée est non seulement vengeresse mais attirante. Et l'effet d'entraînement de cette tribune extraordinaire que représente la médiatisation ne devrait pas être minimisé.

Et le devoir journalistique?

Mais alors, qu'en est-il de la liberté de la presse? Du devoir journalistique? (...)

(Publié dans La Presse, jeudi 19 avril 2007). Cliquer sur le titre pour lire au complet