Protéger la dignité des justiciables dans les palais de justice du Québec : un cas de corégulation face à l'échec de l'autorégulation disciplinaire des journalistes
Marc-François Bernier
Université d'Ottawa
2007 IAMCR Conference
Paris
En 2005, réagissant à des cas de harcèlement médiatique de certains justiciables très connus du
public, le Juge en chef du Québec a imposé des restrictions aux représentants des médias
d’information oeuvrant à l’intérieur des palais de justice. Jusqu’alors, les journalistes et les
caméramans pouvaient y circuler comme bon leur semblait, s’agglutiner autour des justiciables
ou de leurs procureurs, ou encore se livrer à des cavalcades dans les corridors pour obtenir des
images de ceux qui cherchaient à leur échapper au sortir des salles d’audience. Les nouvelles
règles imposées par le Juge en chef ont pour effet de limiter à des aires précises la prise d’images
et la réalisation d’entrevues. Il est devenu impossible pour les médias de harceler les justiciables,
les officiers de justice et tout citoyen à l’intérieur des palais de justice. Les représentants des
médias doivent maintenant réaliser leurs entrevues à des endroits précis plutôt que d’extorquer
des commentaires et des images contre la volonté des justiciables. Les nouvelles règles ne
s’appliquent pas à l’extérieur des palais de justice.
Plaidant qu’elles contrevenaient à la liberté de presse protégée par les Chartes canadienne et
québécoise des droits et libertés de la personne, les entreprises de presse ont contesté ces règles
devant les tribunaux civils du Québec, en faisant valoir notamment que les médias étaient en
mesure de s’autoréguler pour éviter de futurs débordements.
Dans la présente contribution, nous allons soutenir que les nouvelles règles qui limitent la
mobilité des médias constituent une forme de corégulation qui n’attaque nullement la liberté de
presse - les procès demeurant publics et accessibles aux journalistes et les entrevues avec les
justiciables pouvant être réalisées dans d’autres lieux - tout en protégeant des citoyens se trouvant
en situation de vulnérabilité. De même, nous soutenons que les mesures sont compatibles avec les
principes éthiques et les normes déontologiques que les journalistes se sont librement donnés en
matière d’équité.
Il faudra notamment définir, caractériser et distinguer les concepts d’autorégulation et de
corégulation, et rappeler que l’autorégulation ne coïncide pas ou ne permet pas nécessairement
une réelle autodiscipline de la part des journalistes. Par ailleurs, à l’aide du cas du Québec, nous
montrerons que les tribunaux civils, quand ils font reposer leurs décisions sur les règles de l’art
élaborées et reconnues par les journalistes, peuvent suppléer aux limites de l’autorégulation.
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